Cessez-le-feu à Gaza : Ce qu’il faut faire maintenant

Après 470 jours de génocide israélien contre notre peuple, le cessez-le-feu tant attendu est entré en vigueur le dimanche 19 janvier 2025. Le cessez-le-feu est arrivé 15 mois trop tard, les factions palestiniennes ayant accepté des propositions similaires dès novembre 2023 et un accord presque identique en mai 2024. Le cessez-le-feu offre un répit temporaire et nécessaire, mais il est loin d’être une solution. Il s’agit d’un moment clé pour une mobilisation populaire mondiale redoublée et un changement radical de paradigme politique en faveur de l’autodétermination et de la libération des Palestiniens.

 

La réalité actuelle: 

 

 

Gaza: l’espoir au milieu de la destruction

Depuis plus de 15 mois, Israël commet l’un des génocides les plus atroces de l’histoire, en perpétrant des massacres, en anéantissant des familles entières, en utilisant la famine comme arme de guerre et en détruisant 92 % des habitations. Le génocide de Gaza a tué plus de 47 035 Palestiniens, dont plus de 20 000 enfants, et en a blessé plus de 111 090. Israël a en outre déplacé de force 90 % de la population, dont la plupart sont déjà des réfugiés privés de leur droit au retour depuis la Nakba de 1948. La dévastation causée par Israël est indescriptible et les statistiques n’offrent qu’un aperçu de la misère qui hantera les Palestiniens pendant des générations. Des études estiment que le nombre réel de morts à Gaza pourrait dépasser les 186 000 et que le déblaiement des décombres pourrait prendre 20 ans.

Depuis le cessez-le-feu, de nouveaux meurtres sont enregistrés à Gaza, des centaines de corps de Palestiniens ayant été retirés des décombres, beaucoup ayant succombé à leurs blessures, et d’autres ayant été tués en violation du cessez-le-feu. Entre le 22 janvier et le 6 février 2025, 548 Palestiniens supplémentaires ont perdu la vie, dont au moins 21 en violation directe du cessez-le-feu. Plus de 560 000 Palestiniens déplacés retournant dans le nord sont confrontés à la destruction de leurs maisons, à la perte de leurs familles et à un avenir incertain, mais ils restent déterminés à reconstruire leur vie sur les décombres.

 

La Cisjordanie: L’intensification de la violence coloniale génocidaire

Israël a profité du cessez-le-feu pour intensifier l’annexion et la domination de la Cisjordanie. Les raids militaires, les arrestations massives, les restrictions de circulation et les attaques violentes des colons ont augmenté de façon spectaculaire.

Le 21 janvier, Israël a lancé une attaque militaire de grande envergure, ciblant le nord de la Cisjordanie. L’attaque militaire en cours comprend un blocus et encerclement des régions de Jénine, Tulkarem, Tubas et Qalqilya, des attaques contre les hôpitaux, des arrestations arbitraires, des exécutions extrajudiciaires, des frappes aériennes, la destruction de maisons et d’infrastructures et des déplacements forcés. En deux semaines, plus de 50 Palestiniens ont été tués et plus de 26 000 ont été déplacés de force. Cette situation reflète les premières étapes du génocide à Gaza, avec des actes génocidaires similaires et des responsables israéliens appelant ouvertement à la reproduction du génocide, en Cisjordanie. Le ministre israélien de la défense, M. Katz, a qualifié l’attaque militaire contre Jénine de « première leçon de Gaza », tandis que le ministre des finances, M. Bezalel Smotrich, a appelé à une destruction généralisée de la Cisjordanie, en déclarant : « Funduq, Naplouse et Jénine doivent ressembler à Jabalia.

Les attaques en cours en Cisjordanie s’inscrivent dans le prolongement d’une occupation de plusieurs décennies, la période qui s’est écoulée depuis octobre 2023 marquant les plus hauts niveaux de violence coloniale et de nettoyage ethnique. Plus de 828 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie entre le 7 octobre 2023 et le 19 janvier 2025. Plus de 2 464 maisons et structures ont été démolies, entraînant le déplacement forcé de 5 482 Palestiniens. En outre, 1 757 Palestiniens ont été déplacés de force en raison d’attaques de colons entre le 7 octobre 2023 et le 5 décembre 2024.

 

Arrestations massives, torture et répression politique

Avant le cessez-le-feu, 10 220 Palestiniens – dont 345 enfants et 3 376 détenus administratifs – étaient détenus dans des prisons israéliennes sous la torture et dans des conditions inhumaines. Ce chiffre ne tient pas compte des Palestiniens détenus à Gaza depuis le 7 octobre 2023. Depuis octobre 2023, plus de 58 prisonniers palestiniens sont morts des suites de tortures et de négligences médicales.

Dans le cadre de l’accord de cessez-le-feu, 1 900 prisonniers doivent être libérés dans un premier temps. Nombre d’entre eux sont revenus avec des signes visibles de torture, d’abus et de malnutrition. Entre-temps, les arrestations massives se poursuivent en Cisjordanie, avec au moins 380 Palestiniens détenus depuis le cessez-le-feu et à la date du 4 février 2025.

 

Attaques sionistes contre le peuple palestinien dans son ensemble

Depuis le génocide, le peuple palestinien est confronté partout à une intensification des attaques sionistes. Les citoyens palestiniens d’Israël ont été confrontés à une intensification de la répression, y compris une interdiction des manifestations, des arrestations massives et des suspensions arbitraires sur les lieux de travail et dans les institutions académiques.

Pendant ce temps, des millions de réfugiés palestiniens, à qui l’on continue de refuser le droit au retour, sont menacés dans leur accès à l’aide de base, à la santé et aux services sociaux après l’interdiction illégale par Israël de l’UNRWA, la principale agence d’aide aux réfugiés palestiniens.

Dans le monde entier, les militants et les groupes palestiniens, ainsi que leurs alliés, sont confrontés à une répression accrue. Les gouvernements et les entreprises ont réprimé les manifestations de solidarité, arrêté des personnes pour s’être exprimées, censuré des voix, criminalisé les efforts de responsabilisation et permis l’augmentation des crimes de haine contre les Palestiniens.

 

Domination coloniale sioniste dans toute la région

Dans la région, Israël a exploité le génocide dans ce que Netanyahou appelle une occasion d' »étendre les accords d’Abraham… et donc de changer encore plus radicalement le visage du Moyen-Orient ». Au Liban, l’invasion militaire israélienne a fait plus de 3 189 morts, 14 078 blessés et plus de 1,2 million de personnes déplacées de force. Exploitant la chute du régime Assad, Israël a lancé une agression militaire sans précédent sur le territoire syrien, étendant son occupation du territoire.

 

Impunité

Pendant des décennies, Israël a poursuivi son projet colonial en toute impunité. Cette impunité se manifeste par le rejet systématique par le régime Israélien des décisions et des organes internationaux, par les attaques que ces institutions subissent, ainsi que par la mauvaise foi dont Israël fait preuve lorsqu’il s’agit de violer accords et conventions. Depuis le génocide, Israël a rejeté trois ordonnances et un avis consultatif de la Cour internationale de justice – ordonnant à Israël de mettre fin à son occupation et de cesser les actes génocidaires à Gaza – ainsi que des mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale contre les criminels de guerre Netanyahou et Gallant. En outre, Israël a violé les cessez-le-feu au Liban et à Gaza. Le mépris total d’Israël pour le droit international et ses obligations est le résultat direct de la complicité de l’establishment politique à l’international, qui continue de récompenser les crimes internationaux d’Israël par un soutien militaire, économique et politique inconditionnel.

 

L’incapacité de la communauté internationale à s’attaquer aux causes profondes

Les politiques internationales vis-à-vis de la cause palestinienne ont privilégié une approche basée sur un cadre de résolution de conflits symétriques et deux parties ou deux états, inadaptés et qui ont perpétué l’oppression des Palestiniens, au lieu de s’attaquer aux racines des crimes israéliens et de la violence: la colonisation, l’apartheid et l’occupation.

Les discussions autour de la reconstruction de Gaza ne font pas exception. Les États-Unis, le régime israélien et leurs proches alliés promeuvent activement des plans visant à nettoyer ethniquement les Palestiniens et à remodeler la gouvernance pour servir les intérêts coloniaux israéliens. Les tentatives actuelles de former des alliances d’États – telles que l' »alliance mondiale pour une solution à deux États » – continuent de promouvoir des paradigmes contre-productifs au lieu de s’attaquer aux causes profondes.


L’aide humanitaire et l’aide au développement par ailleurs, ont été de plus en plus militarisées, les tentatives de remplacement de l’UNRWA par des alternatives du secteur privé reflètent un effort plus large de démantèlement des droits des réfugiés palestiniens. Dans le même temps, les initiatives de « dialogue”, de “reconnaissance de l’autre”et de “construction de la paix” par des échanges entre sociétés civiles palestinienne et israélienne continuent de perpétuer la réalité coloniale et de traiter la situation coloniale comme une dispute entre deux peuples. Ces approches ne font qu’asseoir la domination coloniale israélienne, marginalisant la capacité de décision des Palestiniens tout en empêchant notre droit à l’autodétermination.

 

Que faut-il faire ?

 

1. Faire pression pour que le cessez-le-feu soit respecté dans toutes ses phases

L’accord actuel, divisé en trois phases, prévoit le retrait total d’Israël de la bande de Gaza et un cessez-le-feu complet uniquement lors de la dernière phase – un résultat qu’il est peu probable qu’Israël poursuive, si l’on se réfère à l’histoire des accords et négociations. Cependant, avec des sanctions et l’obligation de rendre des comptes, Israël pourrait reconsidérer ses décisions. Une mobilisation collective et immédiate est nécessaire pour garantir la mise en œuvre intégrale de l’accord.

 

2. Rejeter l’armement de l’aide

Les efforts actuels visant à remplacer l’UNRWA et le système humanitaire de coordination des Nations Unies – malgré ses nombreux défauts – par des contractants privés alignés sur les intérêts américains et israéliens sapent l’intégrité des efforts humanitaires et favorisent la colonisation. Il est impératif de rejeter tout plan de gouvernance ou d’acheminement de l’aide, sans tenir compte de la prise de décision et de la souveraineté palestinienne. Il faut également combattre tout effort visant à remplacer l’UNRWA par des entités privatisées et plaider en faveur de la fin de l’interdiction de l’agence par Israël.

 

3. Sanctionner Israël et demander mener les criminels devant la justice

  • Exiger que justice soit faite pour les crimes de guerre, l’apartheid, les intentions et actes génocidaires et les atrocités. 
  • Plaider en faveur d’embargos sur les armes et l’énergie et de sanctions diplomatiques et économiques contre l’apartheid israélien. Il ne s’agit pas seulement d’un devoir moral pour les gouvernements, mais aussi d’un devoir légal. Les sanctions et la fin de la complicité avec Israël ont été votées par une majorité globale de 124 États à l’Assemblée générale des Nations unies et réaffirmées par la Cour internationale de justice cette année. Ces obligations juridiques ne prennent pas fin avec le cessez-le-feu. 

Soutenez les campagnes pour la justice :
– Exigez un embargo mondial sur l’énergie pour la Palestine.
– Demandez des comptes aux entreprises complices. Bases de données et campagnes : Liste BDS / Liste Don’t Buy into Occupation / Base de données AFSC Investigate / Base de données WhoProfits / The WaterMelon Index

 

 

4. Protéger la société civile palestinienne et mettre fin à la répression de l’activisme et de solidarité :

La répression globale du droit des Palestiniens à résister à l’oppression et du mouvement de solidarité s’intensifie. Il faut plaider pour la fin de toutes les politiques qui criminalisent et répriment le militantisme et la solidarité. Dans le même temps, il faut rejeter la multiplication des initiatives de “dialogue” et de “construction de la paix” basée sur une “reconnaissance mutuelle” qui réunissent des acteurs de la société civile et du secteur privé israéliens et palestiniens et qui ne servent qu’à normaliser le régime d’apartheid et saper le respect du droit international.

 

5. Exiger des processus politiques qui garantissent la prise de décision palestinienne et s’attaquent aux causes profondes

Aujourd’hui plus que jamais, les processus politiques doivent être centrés sur la libération, le retour sur leur terre et l’autodétermination des Palestiniens. De la partition de la Palestine aux accords d’Oslo en passant par le Plan de Trump, l’histoire a montré à maintes reprises que les Palestiniens sont invités à renoncer à leurs droits fondamentaux. Les projets de « reconstruction de Gaza » ne font pas exception.

La « reconstruction de Gaza » ne doit pas perpétuer la dépendance à l’aide humanitaire, saper la capacité des palestiniens à décider pour eux-mêmes ou contribuer à de nouveaux déplacements forcés. La véritable reconstruction doit être un processus pris en charge par les Palestiniens, tant au niveau de la prise de décision que de la mise en œuvre. Ce processus doit inclure des représentants de toutes les parties prenantes politiques et sociales, sans être capturé par des individus ou des autorités parrainés par l’étranger.

Plus important encore, la « reconstruction de Gaza » ne concerne pas seulement la remise en état des infrastructures et des moyens de subsistance, mais une reconstruction basée sur des principes libérateurs qui rétablissent la dignité et l’unité palestinienne. Pour favoriser le collectif politique palestinien, il est essentiel de libérer tous les prisonniers politiques palestiniens, de mettre fin au système de détention arbitraire par Israël et de garantir que les personnes libérées dans le cadre de l’accord d’échange de prisonniers ne soient pas arrêtées à nouveau. 

Pour l’autodétermination des Palestiniens, il faut mettre fin au blocus, à l’occupation et au régime d’apartheid colonial, et permettre le droit au retour.



Dans les mois à venir, notre équipe et les différents collectifs et coalitions dont nous sommes parties prenantes redoubleront d’efforts pour continuer à renforcer le mouvement international palestinien pour la libération et à faire pression de manière stratégique pour que les responsables rendent des comptes.